• C'est con la vie...

    "Je ne voulais pas perdre ma vie à me soigner." C'est une phrase de l'excellent acteur Richard Bohringer qui était interviewé hier soir dans l'émission de Mireille Dumas. Je n'ai pas tout entendu mais, cette phrase m'a marquée. Ça paraît tellement contradictoire. Et pourtant... C'est vrai que certaines maladies obligent à se soigner tout le temps, empêchent d'être tranquille ou de vivre comme tout le monde. Mais, comme on tient à notre putain de vie, on se soigne, en général... Ou on nous soigne, parfois.

    J'ai une petite expérience de ce type de vie. Je dis "petite" parce qu'en comparaison de certaines personnes, c'est ridicule et dérisoire. Malgré tout, depuis toujours je dois me soigner, prendre des traitements plus ou moins lourds ou dangereux. Depuis toujours, je fais ce qu'on me dit, comme on me le dit. J'ai consulté tous les spécialistes possibles, passé des heures interminables dans les salles d'attente, pour rien souvent. J'ai passé mon enfance à faire attention pour ne pas être malade. J'ai passé mon adolescence à me soigner. Et je sais que je n'ai pas le choix. Avant cette phrase d'hier soir, je n'avais jamais vu les choses sous cet angle. Perdre sa vie à se soigner... Toutes ces heures où l'on ne s'amuse pas, où l'on ne sort pas, où l'on ne rit pas, où l'on attend, où l'on stresse et où on fait stresser les autres... oui, c'est peut-être du temps perdu.

    Je suis asthmatique et quand j'étais petite, je passais des nuits entières à attendre assise dans mon lit, le souffle court et sifflant. Le temps s'arrêtait presque. Je me souviens que je focalisais mon attention sur des noms de médicaments que je trouvais super compliqués et j'attendais que ça passe. Mes parents stressaient et surtout en avaient ras le bol de ces crises contre lesquelles rien ne faisait rien. En plus, avant mes 9 ans, je crois, il n'y avait pas de ventoline ou bien on ne m'en donnait pas ce qui fait que je devais subir jour et nuit cette angoisse de la crise qui arrivait comme ça, sans prévenir... Ma mère me disait que je finirais sous une tente à oxygène si ça continuait comme ça... c'était un moyen de me pousser à poursuivre les consultations chez tous les médecins de la ville. Et j'y allais. Je ne disais rien. J'attendais, sage comme une image. On m'annonçait un nouveau traitement. Je le prenais. Parfois ça marchait pendant un temps et puis, l'effet diminuait jusqu'à disparaître et c'était reparti pour un tour.

    C'est pas une maladie grave mais, je ne pouvais rien faire comme les autres. Mes parents ne pouvaient pas non plus avoir les activités qu'ils auraient souhaité avoir : ils s'adaptaient à mes crises d'asthme. Alors, au bout d'un moment, j'ai essayé de les cacher pour qu'ils arrêtent de s'inquiéter. La ventoline était entrée dans ma vie et c'était quand même très confortable. J'avais un autre traitement qui ne faisait pas beaucoup d'effets et je me shootais à la ventoline... en douce. C'est d'ailleurs un réflexe que j'ai conservé de cette époque. Je ne prends quasiment jamais de ce médicament devant quelqu'un, comme si j'allais me faire engueuler parce que j'ai un peu de mal à respirer.

    De ce point de vue, je vais bien maintenant. Je suis un traitement bien sûr. Et, je ne peux pas dire qu'il m'en coûte vraiment. C'est une habitude. Cependant, depuis quelques années, d'autres soucis se sont ajoutés, d'autres traitements aussi et je dois avouer que, parfois, je rejoins la phrase de Bohringer et j'ai envie de dire que je perds ma vie et mon temps. J'ai même laissé tomber un peu certains traitements, inconsciemment d'ailleurs. J'oubliais de prendre tel cachet ou telle poudre un jour sur 4, puis sur 2... et même tous les jours... juste pour avoir cette impression d'être tranquille. Bien sûr c'est pas contraignant mais, je ne sais pas, c'est peut-être l'accumulation en quantité et aussi en années... Depuis quelques mois, il m'arrive de plus en plus souvent d'oublier mon médicament et j'aime bien cette idée de n'avoir rien pris pendant 2 ou 3 jours. Mais l'asthme ne me laisse pas tranquille... et quand j'arrête trop longtemps, ça revient... ça ne m'oublie jamais...

    C'est con de perdre sa vie pour se soigner... c'est con de ne pas se soigner et de perdre la vie aussi... entre les deux, mon coeur balance un peu quand même... depuis hier soir, depuis cette phrase :"Je ne voulais pas perdre ma vie à me soigner."
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  • Commentaires

    1
    Jeudi 23 Avril 2009 à 18:19
    c'est vrai que cette phrase n'est pas idiote. et il est bien difficile de faire un choix entre se soigner ou ne pasle faire, avec toutes les conséquences que ça entreainent dans les deux cas.
    mais, il est sans doute plus facile de faire le choix de cesser de se soigner quand on avance en âge, car on a le seniment légitime de vouloir profiter des années qui nous reste.
    alors que quand on est plus jeune, on s'attache surtout à se soigner pour justement qu'il nous reste de longues années devant nous...
    2
    Vendredi 24 Avril 2009 à 12:47
    Bonjour Béatrice, eh bien voilà que j'ai lu avec grand intérêt ton article qui m'interpelle... Cette « phrase » a en effet un grand sens dans ma vie aussi, tout comme toi. Migraineuse depuis l'âge de 12 ans (48 aujourd'hui), il n'y a pas une journée de ma vie où je n'ai pas eu mal à la tête. Je n'ai JAMAIS su ce que c'était que de ne pas avoir de maux de tête. Un mal de tête normal disons est pour moi devenu une journée « normale » je vis avec... Alors que mes crises de migraines qui sont extrêmement intenses me rendent malade à rester au lit et à en vomir. Et cela je peux en avoir 2 à 3 crises par mois d'une durée de 2 à 4 jours chaque... cela ne donne donc pas beaucoup de répit entre les crises. Comme toi, j'ai besoin de prendre un médicament (le plus fort maintenant après avoir tout essayé avec médecin, neurologue, acupuncteur...) alors parfois j'ai la chance que la migraine soit cassée et ne se prolonge pas trop.

    Je peux comprendre ce dont tu parles et cette « phrase » que je n'avais encore jamais lue.

    Je te souhaite un beau WE Béatrice, au plaisir.
    3
    Stéphane
    Dimanche 1er Juillet 2012 à 14:47
    Stéphane
    Et que penses-tu de ?" perdre sa vie à la gagner ".
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