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Béatrice29 dans
Passionnément... le
22 Janvier 2008 à 20:30
Pourquoi ai-je repensé à lui ? Je me demande. Un des chemins mystérieux que prend parfois la pensée et qui nous amène on ne sait où on ne sait
pourquoi. Il s'appelait Bruno. J'ai oublié son nom de famille et pourtant, deux fois par semaine pendant un an je lui ai écrit, il
m'a répondu... C'était devenu un rituel. J'attendais avec impatience sa lettre qui arrivait en général le mercredi et le samedi... Comment j'étais entrée en contact avec lui ? Je ne m'en souviens
plus vraiment non plus. J'avais passé une annonce pour trouver des correspondants, je crois... Mais pas des étrangers. Cela ne m'intéressait pas. J'avais besoin de contacts avec des gens de mon
âge. Des Français car je n'étais pas là pour travailler l'anglais ou l'allemand mais simplement pour rencontrer des gens sympa. J'avais reçu 72 réponses à ma petite annonce qui disait que je
cherchais des gens pour correspondre, sans plus.
Bien sûr, parmi les 72, il y avait quelques "bizarres" qui n'imaginaient pas un instant que je pouvais vraiment rechercher simplement une amitié et qui m'avaient donc parlé de leurs prouesses
sexuelles, photos à l'appui parfois. Ceux-là, direction poubelle. Aucun intérêt. Ensuite, il y avait des lettres cousues de fautes d'orthographe, illisibles, écrites dans un français
approximatif... Encore une fois, poubelle. Je ne doute pas un instant que ces gens pouvaient être gentils, sympathiques ou marrants mais quand on ne peut pas comprendre une lettre, difficile de
correspondre.
Et puis, il y a eu Bruno... Une écriture agréable à lire. Peu de fautes. Un style. Il semblait sincère et solitaire... comme moi. Peu à peu, il est devenu mon confident, le seul, l'unique. Il avait
3 ans de plus que moi, je crois... c'est à dire en gros 21 ans. On se racontait plein de trucs, de tout, de rien... on s'écrivait des pages et des pages à chaque fois et jamais aucun malentendu
entre nous. On était amis. C'était clair. Jamais de sous-entendus déplacés. Rien. Il était malheureux. Moi aussi. Il n'avait personne dans sa vie. Moi non plus. On se remontait le moral. On se
disait qu'après tout on n'était pas pires que les autres même si on n'était pas tout à fait comme tout le monde, ni lui, ni moi. Il n'avait pas confiance en lui, ne trouvait pas de travail, n'avait
pas de diplomes. Aucune fille ne s'intéressait à lui et celles qui le faisaient c'était plutôt pour profiter de sa gentillesse. Il me racontait ses malheurs et je l'écoutais, le conseillant de mon
mieux et lui de même pour moi. Cet échange a donc duré plusieurs mois, sans un seul accroc...
Un jour pourtant, j'ai reçu une lettre tout à fait inhabituelle où il me disait qu'il se sentait très mal, qu'il n'avait plus envie de vivre, que sa vie était vraiment trop pourrie. Il m'a avoué
qu'il souffrait d'une sorte de dépression profonde... qu'un jour peut-être il reprendrait contact avec moi. Il ne l'a jamais fait.
Je n'ai jamais vu son visage. Il n'a jamais voulu me montrer de photo. Il n'a jamais vu le mien. Nous ne nous sommes connus que par lettres interposées, un échange aussi riche qu'éphémère... une
amitié virtuelle avant l'heure en quelque sorte. Qu'est-il devenu ? Je l'ignore. Je ne le connaissais finalement pas tant que ça, pas autant que je le croyais en tout cas. Sa lettre d'adieu
(puisque finalement c'en était une), j'ai eu du mal à la comprendre et à l'accepter sur le moment mais c'était son choix, après tout. On ne retient pas les gens contre leur volonté... ils
passent, s'installent et disparaissent de nos vies simplement comme ça.
Je garde de Bruno un souvenir ému, malgré tout car, il m'a beaucoup apporté pendant ces quelques mois, il m'a soutenue, je l'ai peut-être aidé aussi, à ma façon... Mais de Bruno, il ne me reste que
des lettres, des mots soigneusement écrits sur des pages et des pages à l'encre bleue. Des mots que j'aimais recevoir. Des mots que j'attendais avec la même impatience chaque semaine. Des mots qui
me rassuraient. Les mots d'un inconnu familier aux yeux de qui j'avais l'impression d'exister. Etions-nous des amis ? Ou bien était-ce simplement deux solitudes, deux désespoirs qui
se sont croisés puis oubliés ?
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Quant à savoir si vous étiez des amis, je suis sûr que tu sais que vous étiez bien plus...