• "L'histoire ça sert à rien, c'est plein de morts !" lance Trublion 1er à la fin du cours, juste au moment où tout le monde remballe ses affaires, se lève et sort de la classe. "Bah si, quand t'auras une copine, si tu l'amènes dans un musée, si tu sais rien, t'auras l'air bête, hein !" réplique calmement mais fermement une petite mimi qui est assise juste devant moi. Je souris et chuchote à la p'tite :"Tu crois vraiment que Trublion 1er emmènera sa copine au musée ?". Un silence. Elle réfléchit un instant et déclare :"Bah, déjà faudra qu'il trouve une copine et ça...c'est pas gagné !". Heureusement, il était déjà sorti en récré et n'a pas entendu la dernière remarque !


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  • Entre ce qu'on dit et ce qui est compris, entre ce qui se passe en classe et ce que l'élève comprend, entre les mots du prof et le brouhaha ambiant, entre les confusions de vocabulaire et les phrases à moitié entendues, entre les mots qu'on croit évidents pour tout le monde alors qu'ils ne le sont pas et ceux qui sont compris de travers, entre ce qui a été dit et ce qui va être répété, avec tout ce qui s'est passé dans les autres cours, au self, dans la cour, à l'arrêt de bus...comment peut-on encore croire sans aucun doute à ce que raconte un élève ? Je ne dis pas qu'il ment, non, pas forcément. Je dis juste qu'il peut mal comprendre et donc mal interpréter et mal répéter.

    Un exemple tout con : une petite élève mignonne de 6e me demande l'autre jour si "prendre en compte" voulait bien dire "prendre mal". Cela veut dire qu'à chaque fois qu'on lui aura dit de prendre en compte des conseils, ou des consignes, dans sa tête, ça voulait dire "prendre mal"... Ce n'est pas bien grave comme confusion mais je n'ose imaginer les centaines qui existent dans une journée d'enfant. Encore plus en primaire sûrement. Et pourtant, on s'empresse de croire l'enfant. Systématiquement. Et de mettre en doute la parole du prof. Systématiquement aussi.

    "Pourquoi devrait-on croire le prof ?" lit-on dans les gentils commentaires sur le net. Et pourquoi devrait-on croire l'enfant ? Nous avons tous des preuves que les enfants sont capables de mentir, soit pour se sortir d'un mauvais pas, soit parce qu'ils ont envie d'en découdre avec un adulte... ou bien, simplement, parce qu'ils ont tout compris de travers. J'ai eu un exemple qui m'avait blessée il y a deux ans. J'avais fait un trait d'humour en classe. Une élève l'avait mal compris et avait raconté à sa mère des choses horribles que j'aurais dites, sur le ton de l'humour. A la base, elle avait juste mal compris un élément mais derrière, toutes les vulgarités qu'elle avait rapportées à sa mère, ce n'était pas moi qui les avais dites ! Pas du tout. Et pourtant... elle l'affirmait. La maman, me connaissant, avait un doute... mais, dans un sens, elle n'aurait pas dû en avoir et elle aurait dû dire à sa fille qu'elle se trompait, point barre. 

    Alors, ça me fait peur lorsque je vois les proportions que prennent les propos rapportés par des enfants, parfois tout petits, qui racontent encore plus mal, forcément... mais qu'on croit. Au cas où. Sous prétexte que peut-être, que ça se peut, qu'on ne sait jamais, que les profs sont tellement tordus que... L'autre jour, j'ai abordé un sujet délicat suite à une question d'un élève. J'ai pris des milliers de pincettes, j'ai choisi mes mots, j'ai précisé que je n'étais pas experte, que je ne savais pas grand chose, que je ne pouvais donner que mon avis et que j'avais peut-être tort et après, j'ai espéré que rien ne sorte de ma salle au cas où... Si j'avais été prof de maths, au moins, j'aurais pu faire mon cours et personne ne m'aurait demandé de parler de telle ou telle actualité ! 


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  • découragementIl n'y a pas encore si longtemps, lorsqu'on rendait un travail à un prof, on se devait de le soigner un minimum. Bien sûr, il y a ceux qui écrivent mal, quoiqu'ils fassent... mais disons qu'ils faisaient un effort parce que c'était rendu. Au moins, une présentation digne de ce nom. Et puis si on disait de souligner, c'était souligné et pas autre chose. 

    Ce matin, j'ai récupéré des torchons. De mon temps, le prof aurait fichu ça à la poubelle direct, sans autre forme de procès. Et là, les gamins semblaient trouver ça normal. Du surligneur partout (quand on n'a pas de règle, on surligne, ça va plus vite), des morceaux de feuilles déchirés à la va-vite, des ratures innommables, des gros pâtés, une écriture qui ne tient même plus du hiéroglyphe... je ne vous parle pas de l'orthographe (la moitié de la note était prévue pour ça, en plus ! ) et tout ça pour un travail qui était à réaliser depuis plus d'une semaine...Je pense qu'un jour, je vais récupérer des rédactions sur du PQ... Après tout, hein, c'est qu'une prof, on va pas gaspiller du papier pour elle... Y'a des jours, franchement...

    Alors quand j'entends des collègues encore et toujours volontaires pour que les profs de français fassent ceci, corrigent cela, organisent tel ou tel projet... je me dis que j'ai vraiment, vraiment choisi la matière la plus merdique du monde.  


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  • Un enseignant est-il capable d'aborder tous les sujets ? De gérer tous les problèmes ? D'expliquer tout ce qui se passe dans l'école et hors des murs ? De faire face à toutes les situations ? De comprendre tout ce qui se passe ? De tout analyser ? De prendre du recul en 5 secondes pour faire un cours parfait derrière ? 

    La réponse est non. 

    Le 8 janvier, j'étais incapable de parler des attentats, incapable de préparer un cours, incapable d'entendre les avis des uns et des autres, incapable d'avoir le recul nécessaire pour évoquer sereinement ce qui venait de se passer. J'en parlerai. Un jour. Quand j'en aurai envie. Pas parce qu'on me dit qu'en tant que prof je DOIS le faire. Le faire pour le faire mal ? Pour me faire mal ? Pour me faire démolir si je dérape parce que je ne maîtrise pas le sujet ? Pour être maladroite et donc inefficace voire nuisible ? Pour me ridiculiser ? Juste parce que je suis prof, et en particulier prof de lettres... Oh la la, le prof de lettres qui doit pouvoir parler de tout dans son immense culture. Là, en une seconde, il vous prépare un cours béton sur les tenants et les aboutissants de tout, de rien. Et, avec l'enthousiasme dont on le sait capable, il va se lancer et il va les convaincre, ses élèves ! Et s'il se plante ? Ah, là, fatale erreur ! Sale prof ! Abruti qui ne sait pas de quoi il parle ! Il choque, il dérange, qu'il dégage ! Pour le bien de tous, pour ne pas contrarier ses élèves ni les parents. Je n'ai pas voulu et je ne veux pas être ce prof qui, sous prétexte qu'il a reçu des centaines de dossiers pour faire son cours sur Charlie, va commettre l'erreur qui ne sera pas pardonnée. Parce qu'on ne pardonne pas au prof. 

    Je vois souvent aussi des collègues qui, suite au décès d'un proche d'un élève se mettent en quête de textes, de musiques ou de je ne sais quoi pour "en parler". A-t-on besoin d'en parler ? Est-ce notre rôle ? N'est-ce pas un peu prétentieux et même ridicule de se dire qu'on va jouer un rôle dans un moment aussi grave et intime pour un enfant ? N'est-ce pas outrepasser sa fonction que de penser que notre cours va amoindrir la peine de quelqu'un (qu'on ne connaît pas vraiment, en plus) ? Et puis, avons-nous envie de le faire ? Si on me demande de le faire, je refuse tout net. Je ne pourrai pas parler calmement, sereinement, professionnellement d'un sujet qui me fout moi même en l'air. Comment pourrais-je aller vers un enfant et lui parler de la mort de sa mère par des textes alors que je sais que jamais aucun texte ne me soulagerait si ça arrivait ? 

    Le prof n'est pas -encore- une machine. Je ne peux pas faire sans mes sentiments, sans mes blessures, sans mes terreurs. Je ne peux pas aborder certains sujets avec mes élèves. Et, mon professionnalisme s'arrêtera toujours où mes émotions ne peuvent pas aller. Ce n'est justement peut-être pas professionnel. Je ne sais pas. Peut-être que le bon prof c'est celui qui est capable de parler de tout et de tout expliquer avec le recul et la distance qui s'imposent. Celui qui sait rebondir sur l'actu, toutes les actus, même les pires pour en faire un cours génial dont les enfants sortiront grandis. Je ne suis pas comme ça. Si la vague m'a emportée et à moitié noyée, je ne vais pas être capable de surfer dessus comme si de rien n'était. J'aurais bien aimé être de ces profs géniaux qui savent faire feu de tout bois avec talent... ces sortes de héros de temps modernes que rien n'arrête. Mais ce n'est pas le cas. 

    Et j'ai quand même l'impression que pas mal de gens ont oublié que les profs ne sont pas des machines... à moins que de les voir se débattre dans la fosse aux lions sans aucune protection ne soit tout simplement une distraction comme une autre...  


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  • Trois petites perles rien qu'en une semaine... Mes élèves sont en forme ! (pas comme moi, cette année, je ne résiste pas aux virus divers et variés...)

    n°1 : dans une rédaction ==> Le cheval n'écoutant que son einstein de survie.

    n°2 : pendant un exercice ==> Doit-on dire une "éruption" de boutons ou une "irruption" ? Réponse : une érection. Un peu interloquée, je dis qu'il vaut mieux éviter ce mot. L'élève me dit :"Oh, bah en même temps, j'sais même pas c'que c'est, alors...". Ouf ! On est sauvé, elle ne l'a pas fait exprès et dans la classe, personne ne réagit. Re ouf !

    n°3 : correction d'un exercice ==>trouvez un homophone de Lyon. Réponse : lion, l.i.o.n., la barre de chocolat !!! (élève très fier d'avoir trouvé la bonne réponse !)


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